Bretagne…
Bretagne de sable et de pierre
Pays de mer, humble et fier
Bretagne aux sentes rocailleuses
Marine contrée orgueilleuse
Lande minérale et ventée
Onde dentée d’étocs acérés
Ici, seul le ciel pleure
La silencieuse douleur
En froides larmes salées
Des marins au large disparus
Par les flots écumants, avalés
D’une pêche, jamais revenus
Tandis que sur la jetée du port
Saisie d’un ridicule transport
Si peu muette, volontiers rieuse
La mouette se fait moqueuse
La voleuse de poisson
Sur la criée devient poison…
Pays d’embruns, ces postillons de la mer
Au climat tempéré, doux amer
Qui ne prête qu’au poête, mais donne sans calcul
qui pudique, rarement en public se dévoile !
Terre de bateaux, de navires et de voiles
De virées chavirées en grande pompe à bascule !
Entre cidre et hydromel, qui se bousculent
Victime d’une ultime salve, te pose sur le cul !
Alors d’un coup de barque
Sans réfléchir, tu embarques
Pris dans les filets
Impossible de te défiler !
Car ici l’amitié n’est pas un mot indigeste
Chez les taiseux, c’est une chanson de geste…
Pays de granit, aux si lourdes et massives maisons
Que les murs épais poussent à l’intérieur
L’été, il y fait frais, à l’abri de la chaleur
L’hiver il y fait bon vivre, caché de la froide saison
Pays de bonne table, de la crêpe sucrée et des phares
De la saucisse dans la galette salée, et des fars
Des poissons de toute sorte, des fruits de mer
Car ici, la grande bleue est mère nourricière
Et l’assiette est toujours copieusement garnie
Même si le dernier coup de filet est dégarni !
Pays de danse et de musique, en sabot
Ethnique ou celtique, on trouve ça beau
Ici le biniou remplace la cornemuse pendant la fête
Pendant qu’au sud, la corne amuse par sa défaite
Même la pointe du récif appelle au roc
Engendrant en récit drôle de rock !
Aujourd’hui sans se renier, le chapeau rond
S’émancipe du passé et de ses chaperons
Ou la jeune bigoudaine s’échappant du folklore
Bigoudis haine, en piscine devient folle du chlore
Plutôt que le bord d’une enivrante peinture d’iode
Dont les nouvelles vagues jamais ne se démodent !
Qui brasse le sable et le sel, Pays de vent
Mais chez qui jamais on ne se met devant
De marins bûchant pour être utile
Face à une marine bouchée et futile
Pendant qu’ailleurs pour paraître on remue de l’air
Ici on préfère à tout prendre le savoir faire !
De cap en cape, de poulpe en proue
En maillot de bain on ne fait pas la roue
Car sur le chalutier, le pont n’est pas férié
Alors si tu ne fais rien, autant débarquer
Sinon tripes secouées de tribord à bon beurre
Tu fabriques parfois du babeurre à bâbord
Ne retrouvant la paix, phare passé, pavillon baissé
Qu’une fois en bassin, la passerelle abaissée
Après avoir tant de fois, sa vie risquée
Il est bon de tituber, amariné sur le quai !
Avec générosité, pays d’accueil
Porte ouverte devant le seuil
Une fois confiance établie, franchi l’écueil
De ta solitude par solicitude fais le deuil !
Qui sait par le biais d’une écluse
Ouvrir très large ses bras de mer
Libérant ci, une nef recluse
Hébergeant là, une coque qui se perd
Gens joviaux, de sourire et de rire
Qui masquent parfois soupirs ou pire
Qui trinquent à ceux qui dégustent
Mais grave, font rarement l’auguste…
Gens loyaux, ou la parole donnée
Par langue bifide ne doit pas s’abandonner
De valeurs et de respect pour qui la trahison
Des voleurs de sentiments mérite pire que prison…
Pays de fausse croyance et de vraies invraisemblances
Ou se mélange drôle de curés et trölls de fantômes
Croix d’une religion en cimetière et mystère de faux dogmes
Ou naïf obscurantisme côtoie lucide clairvoyance
Ou les livres sont emplis de légendes et de contes
Afin qu’au final, chacun y trouve son compte
Ou à marée haute, on peut faire messe basse
L’homme s’inclinant devant sa nature de guerre lasse
De vin dans une dernière prière
Puisque le diable vaut verre…
Pays des abbés rétifs et des druides enchanteurs
Des druides droïdes, dolmen des menhirs meneurs
Des chapelles perdues et des Merlins moqueurs
Ou l’on vit avec son corps et l’on pense avec son c½ur
Pays d’hier, pays d’aujourd’hui, pays de demain
Minute après minute, millénaire après millénaire
Terre du bout du monde ou le mortel n’est pas commun
Car à force de vivre ses rêves est devenu visionnaire
Peuple voyageur et paradoxal qui en aller retour
Quitte sa terre et sa promise pour mieux la retrouver
Qui tout autour de la planète, plante et laboure
Promenant sa culture ancestral pour le globe enjoliver
Entre lard et la matière, offre l’art des lamaneurs
Pour qui il n’y a pas d’argent sans honneur
Pour qui dans chaque port, la bitte d’amarrage
Ne doit jamais transformer la liberté en mirage…
Noble peuple qui relie les hommes d’île en île
Sans jouer les vedettes, d’une aile de goélette
Plantant le mat de coquin, pour partager idylle
Tendrement puis fougueusement son ancre jette !
Pour mieux repartir par crainte de trop s’attacher
Quittant le rocher pour l’onde, tant par amour que rejet !
Ballotté entre Imper et mer, il finit toujours par revenir
Car il a trop crainte de mourir et s’enterrer dans le souvenir…